Syndromes myélodysplasiques

Que sont les syndromes myélodysplasiques (SMD) 

​SMD ou syndrome myélodysplasique est une maladie de la moelle osseuse. Normalement, la moelle osseuse produit 3 sortes de cellules sanguines :

  • Les globules rouges ou hématies
  • Les globules blancs ou leucocytes
  • Les plaquettes

La moelle osseuse des patients atteints de SMD fonctionne de façon anormale et ne peut plus produire suffisamment 1, 2 ou les 3 sortes de cellules sanguines normales. De plus, elle peut produire des cellules anormales dites blastiques.

Les différents types de cellules sanguines :

  • Les globules rouges ou hématies : ces cellules apportent, grâce à leur hémoglobine, l’oxygène nécessaire au tissu de l’organisme. Le taux normal de l’hémoglobine fluctue entre 12 et 16 g pour 100 ml de sang. L’anémie se caractérise par un taux d’hémoglobine bas (de 10 à 12 g pour une anémie discrète, de 8 à 10 g pour une anémie modérée et moins de 8 g pour une anémie sévère).
  • Les globules blancs ou leucocytes : ces cellules combattent les infections. Normalement la moelle osseuse en produit pour avoir un taux sanguin entre 4000 et 10000/mm³ de sang. Ces globules blancs sont constitués de neutrophiles qui combattent les infections bactériennes et de lymphocytes qui combattent plutôt les infections virales. Dans le cas de SMD, il y a un nombre insuffisant de globules blancs surtout des neutrophiles ce qui augmentent le risque d’infection bactérienne chez ces patients.
  • Les plaquettes : la moelle osseuse produit aussi les plaquettes qui aident à la coagulation du sang et permet donc d’arrêter les saignements. La moelle osseuse en produit normalement pour avoir un taux sanguin compris entre 100000 et 400000/mm³. La majorité des patients atteints de SMD auront une thrombopénie caractérisée par un nombre de plaquettes insuffisant. Une thrombopénie importante se définit par un taux de plaquettes inférieur à 30.000. Cette thrombopénie peut alors être responsable de saignement.

Quels sont les symptômes des SMD ?

Pendant les premiers stades de la maladie, la majorité des patients ne présentent aucun symptôme. Ceux-ci varient en fonction des cellules sanguines concernées et de l’importance de leur diminution :

  • La diminution du nombre de globules rouges ( anémie) est responsable de fatigue liée au taux d’hémoglobine. Ces symptômes sont fatigue, essoufflement, palpitation et paleur et sont plus sévères d’autant que les patients sont âgés ou avec des problèmes vasculaires, la diminution du flux sanguin peut donner par exemple de l’angine de poitrine.
  • La diminution des globules blancs (neutropénie) réduit la résistance aux infections bactériennes qui peuvent se marquer par de la fièvre, des infections au niveau de la peau, des sinus ou des poumons.
  • La diminution des plaquettes (thrombopénie) sera responsable d’ecchymoses, de purpura (petits points rouges sur la peau), de saignement de nez et des gencives.

Comment le syndrome myélodysplasique est il diagnostiqué ?

Le syndrome myélodysplasique est suspecté par une simple prise de sang qui montre soit une anémie soit un nombre anormalement bas de globules blancs ou de plaquettes.

Le diagnostic du syndrome myélodysplasique est effectué grâce à l’analyse d’une ponction de la moelle osseuse (au niveau de la crête iliaque postérieure ou du sternum). Différentes analyses sont réalisées grâce à cette ponction : la cytologie qui montre les cellules de la moelle mais aussi des examens cytogénétiques qui étudient les chromosomes des cellules de la moelle (le caryotype).

Classification des myélodysplasies ou indice de gravité de la maladie 

Les analyses du sang et de la moëlle osseuse permettent de définir l’index pronostic international (International Prognostic Scoring System) qui estime l’espérance de vie des patients et le risque d’évolution vers une Leucémie Myéloide Aigüe ( LMA) Ce score est obtenu par la somme de 3 éléments :

  • Le pourcentage de blastes (cellules leucémiques) dans la moelle osseuse
  • Le résultat de l’étude cytogénétique
  • Le nombre de cellules sanguines
  • Selon le total obtenu, le patient se classe dans un des groupes suivants :
    • groupe à faible risque : score 0
    • groupe à risque modéré : score 0.5 à 1
    • groupe à risque intermédiaire : score 1.5 à 2
    • groupe à haut risque : + de 2.5

Les patients de faible risque auront espérance de vie longue et une faible probabilité d’évoluer vers une leucémie myéloïde aigüe à l’inverse des patients classés dans le groupe à haut risque.

De nouveaux scores pronostiques sont en cours de validation tels le IPSS-R, R pour Revisité, score qui tient plus compte du nombre exact de blastes médullaires et des anomalies chromosomiques plus particulières. Un autre score tient compte des besoins transfusionnels. Le but de ces scores est de prévoir au mieux l’évolution du patient et de prendre les décisions de traitement les plus adaptées.

Fréquence 

L’incidence des SMD est d’environ 7 nouveaux cas pour 100.000 habitants par an, cette incidence est nettement plus élevée chez les patients âgés que chez les patients jeunes (un nouveau cas par 100.000 par an chez les patients jeunes).

Causes des SMD

On connaît mal les causes exactes des SMD.

Dans seulement 15 %, on retrouve une cause certaine, on appelle ces SMD comme secondaires. Sont classiquement impliquées :

  • La chimiothérapie : les patients qui ont bénéficié d’une chimiothérapie anti-cancéreuse peuvent développer un syndrome myélodysplasique dans les 2 à 10 ans après leur traitement. Certains médicaments sont plus toxiques que d’autres et on tente de les éviter à l’avenir surtout lorsque ces traitements sont prescrits dans une visée curative et chez des patients jeunes : il s’agit surtout des agents alkylants tels la Mustine que l’on a utilisé dans la maladie de Hodgkin, le VP16, le Vercyte qui a été utilisé pour la maladie de Vaquez, les analogues des purines utilisés dans les leucémies lymphoïdes chroniques et les lymphomes. Les traitements intensifs avec autogreffe de cellules souches provoquent un risque également de syndrome myélodysplasique.
  • Les toxiques : le Benzène est le plus classique, la responsabilité du tabagisme est probable.
  • Les irradiations : radiothérapie pour traitement de cancer d’autant plus que la dose et le champ d’irradiation ont été importants.
  • Les maladies hématologiques acquises telles l’aplasie médullaire.
  • Les maladies constitutionnelles telles la trisomie et certaines formes d’anémies de l’enfant.

Comment traiter les SMD ?

Le traitement des SMD dépend essentiellement de 2 facteurs : le niveau où les globules sont descendus et le risque d’évolution vers la leucémie myéloïde aiguë. On base le traitement en grande partie sur le score IPSS.

Groupe de risque faible et intermédiaire 1 :

Dans ce cas, le risque d’évolution vers une leucémie myéloïde aiguë est plus faible et le traitement vise essentiellement à corriger la baisse des globules (anémie, neutropénie, thrombopénie).

    a) Les transfusions de globules rouges: Le principal symptôme des patients de ce groupe à faible risque ou groupe à risque intermédiaire bas est l’anémie. Le premier moyen pour compenser cette anémie sont des transfusions de globules rouges. En général, la transfusion est prescrite lorsque le taux d’hémoglobine est inférieur à 8 – 9 g/dl, éventuellement à des valeurs plus hautes si l’anémie est mal tolérée. On fait en général des transfusions de 2 unités par passage à l’hôpital de jour et ces transfusions seront répétées à un rythme propre au patient. La qualité du service de transfusions et de la conservation des produits sanguins font que le risque de ces transfusions est extrêmement faible : la transmission de maladie virale (hépatites et HIV) est inférieure à 1 pour 10.000 transfusions. Le risque principal des transfusions répétées est l’apport de fer. On estime qu’après 20 transfusions, l’apport de fer peut être toxique au niveau du foie et du cœur. Cet apport de fer peut être corrigé par un traitement éliminant ce fer qu’on appelle le traitement chélateur. Il existe 2 possibilités : soit le Desféral qui s’administre par voie sous-cutanée : injection sous-cutanée prolongée 2 X par jour ou petite pompe administrant le produit pendant plusieurs heures. Il existe un médicament chélateur du fer par la bouche : l’Exjade. La tolérance digestive de ce médicament peut poser problème et des conseils précis en ce sens seront donnés lors de sa prescription.
    b) Les transfusions de plaquettes: Celles-ci seront pratiquées si le taux de plaquettes est inférieur à 10.000, et surtout s’il survient des hémorragies. L’efficacité de ces transfusions est beaucoup plus courte que celle des globules rouges et par conséquent, elles doivent être répétées plus souvent. La tolérance de ces transfusions est également moins bonne avec risque de réaction transfusionnelle au moment de leur administration, réaction qui est due à la présence de globules blancs résiduels dans les sacs de plaquettes. Depuis que les sacs de plaquettes sont spécifiquement traités pour éliminer les globules blancs, ces réactions transfusionnelles deviennent exceptionnelles.
    c) Les transfusions de globules blancs ne sont pas réalisées parce qu’elles sont beaucoup plus dangereuses que bénéfiques.
    d) L’Erythropoïétine (EPO ou agent stimulant l’érythropoïèse (ASE)) : Chez l’homme l’EPO est naturellement produite par les reins aide au développement de globules rouges. En tant que médicament, l’EPO s’administre en injection sous-cutanée, elle peut corriger l’anémie et éviter des transfusions sanguines. Dans les SMD de groupe à faible risque ou risque modéré, un traitement par EPO est efficace dans 40 % des cas, surtout si le besoin transfusionnel est faible et que le taux d’Erythropoïétine fabriqué par le patient lui-même est relativement bas. L’efficacité de l’Erythropoïétine peut se maintenir pendant plusieurs années. Ce médicament n’est pas encore admis au remboursement dans cette indication en Belgique.
    e) Le Lénalidomide (Révlimid) : ce médicament est très actif dans les SMD avec anomalie isolée du cinquième chromosome (syndrome 5q-) où il corrige l’anémie en supprimant tout besoin transfusionnel dans au moins 2 tiers des cas. Son principal effet secondaire est de faire diminuer pendant les 2 ou 3 premiers mois de traitement les leucocytes et les plaquettes, ce qui implique une surveillance médicale étroite. Son autre effet secondaire gênant est une réaction cutanée de type allergique. Il s’administre par la bouche à raison de 1 gélule par jour (dosage de 2,5 mg à 10 mg/ gélule) 3 semaines sur 4. Dans les SMD n’ayant pas l’anomalie isolée du chromosome 5q, son efficacité est possible mais beaucoup plus réduite (40 %).
    f) Autres traitements:
  • Le Thalidomide (appelé anciennement Softénon) qui permet de corriger dans certains cas l’anémie mais ce traitement est toxique : risque de polynévrite et il est formellement contre-indiqué en cas de grossesse (malformation du fœtus)
  • Traitement immunosuppresseur dans certaines SMD, le patient semble avoir une réponse immunitaire anormale contre ses propres cellules sanguines que le traitement immunosuppresseur a pour but de corriger. Il associe en général du sérum anti-lymphocytaire et de la Cyclosporine.
  • Les hormones males (androgènes), elles peuvent dans certains cas corriger la baisse des plaquettes.

Groupe à haut risque et risque intermédiaire :

Dans ce groupe, il y a un risque important et précoce d’évolution vers une leucémie myéloïde aiguë. On propose alors des traitements visant à prévenir cette évolution.

    a) L’allogreffe de moelle osseuse ou de cellules souches sanguines : la greffe est le seul traitement qui permet de guérir car elle détruit les cellules myélodysplasiques et elle vise une réponse immunitaire des cellules du donneur contre les cellules malades du receveur. Cependant, c’est un traitement lourd, qui peut entraîner des complications surtout chez les sujets âgés. Dans sa forme habituelle, l’allogreffe est réservée aux patients de moins de 55 ans. Pour les patients plus âgés, des préparations plus légères (conditionnement atténué) permettent de supporter la procédure mais avec moins d’efficacité. Les candidats à l’allogreffe doivent avoir un donneur compatible dans le système HLA. Ce système est différent des groupes sanguins et est déterminé par une analyse de sang. Seuls peuvent être compatibles un frère ou une sœur du patient, ou un donneur non apparenté inscrit dans les fichiers de donneurs volontaires ayant le même groupe HLA. Les enfants et les parents d’un patient ne peuvent, malheureusement, pas être des donneurs compatibles. Si le patient a un donneur compatible, la greffe sera programmée en fonction du risque évolutif de la maladie ; elle pourra être faite d’emblée ou après un traitement préparatoire de chimiothérapie réduisant les cellules blastiques de sa moelle.
    b) Les agents hypométhylants (Vidaza) : il s’agit de chimiothérapie d’un nouveau type agissant sur certains gènes des cellules myélodysplasiques. Le Vidaza s’administre par voie sous-cutanée (en 2 injections concomitantes à des endroits différents), 7 jours consécutifs sur le mois. Ce médicament parvient à corriger le manque des différents globules chez la moitié des patients. Il permet ainsi d’améliorer très nettement la qualité de vie et augmente l’espérance de vie des patients. Ils agissent lentement soit entre 2 et 6 mois de traitement. Sa toxicité est surtout cutanée à l’endroit des injections, de la constipation et d’augmenter le besoin de transfusion en début de traitement. Lorsqu’il est efficace, le Vidaza peut l’être pendant de nombreux mois voire années.
    c) La chimiothérapie comme dans les leucémies myéloïdes aiguës : cette chimiothérapie est généralement administrée par voie intraveineuse. La production des différents globules va être accentuée pendant 2 à 4 semaines, ce qui justifiera l’hospitalisation. Cette chimiothérapie éliminera les cellules myélodysplasiques permettant le retour des cellules normales dans la moelle. Cette chimiothérapie est délicate, nécessite un suivi attentif, des besoins de transfusions quotidiens, l’administration d’antibiotiques. Si cette chimiothérapie est efficace, il sera proposé 1 ou 2 autres à titre de consolidation.
    d) Une chimiothérapie à faible dose (Cytosar) peut être administrée par voie sous-cutanée en 10 à 14 jours pour les patients fort âgés et en mauvais état général, son efficacité est moindre (30 %) mais sa toxicité est nettement plus légère.

Essais thérapeutiques :

Les syndromes myélodysplasiques restent des maladies incurables sauf pour les patients qui ont pu bénéficier de l’allogreffe mais qui sont une minorité. L’efficacité des traitements actuellement prescrits est limitée dans le temps. Les firmes pharmaceutiques ainsi que la communauté des spécialistes des maladies du sang unissent leurs efforts pour proposer de nouveaux médicaments. On s’assurera d’abord qu’ils n’ont pas d’effets secondaires importants et qu’ils ont une efficacité réelle. Si c’est le cas, on propose à certains patients atteints de SMD de les utiliser dans le cadre d’un essai très strictement régit par la loi dans lequel le patient doit donner un accord écrit de participation, accord qu’il peut retirer à tout moment s’il le souhaite. Dès lors, participer à l’un de ces essais vous sera peut-être proposé.

Conclusion

Les SMD sont des cancers de la moëlle osseuse pour lesquels il n’y a pas de guérison ni de remède rapide. Le traitement consiste surtout à permettre au patient de maintenir une vie et des activités aussi satisfaisantes que possibles. Les traitements plutôt « agressifs » comme la chimiothérapie et la greffe de moelle osseuse peuvent être nécessaires dans certains cas. Le choix du traitement dépend du pronostic de la maladie estimée par le score IPSS, de l’âge et de la condition physique du patient mais aussi de la discussion entre le patient et son médecin.