Leucémie lymphoïde chronique

Qu’est-ce que la leucémie lymphoïde chronique (LLC) ?

La LLC est une forme de leucémie dans laquelle il existe un nombre excessif de lymphocytes d’aspect mature mais peu fonctionnels dans le sang et la moelle osseuse.

La majeure raison de cet excès de lymphocytes est une accumulation de ceux-ci par défaut de mort cellulaire. La production de ces lymphocytes n’est pas augmentée de façon importante.

Les lymphocytes sont les globules blancs qui sont au centre du système immunitaire (de nos défenses). Ils sont classifiés en sous-groupe selon leur fonction, il y a des lymphocytes B et des lymphocytes T.

Dans le cas de la LLC et de la majorité des lymphomes (tumeur ganglionnaire), ce sont les lymphocytes B qui sont anormaux et deviennent majoritaires. Comme leur production se poursuit, ces lymphocytes B finissent pas s’accumuler dans le sang, dans les ganglions, dans la rate et la moelle osseuse, ce qui explique l’augmentation possible de volume des ganglions et de la rate.

Comment la leucémie lymphoïde chronique est-elle diagnostiquée ?

A la différence des leucémies aiguës, la grande majorité des patients n’ont pas de symptôme de leur maladie. Le diagnostic le plus souvent posé par hasard lors d’une prise de sang demandée pour un autre motif, cette prise de sang montre plus de 5000 lymphocytes anormaux, ils sont caractérisés par un examen de sang spécial appelé en cytométrie de flux.

Dans les formes typiques, le seul examen de la prise de sang est suffisant pour faire le diagnostic et un échantillon de moelle osseuse ne doit pas être prélevé. L’examen du sang permet également de collecter des données de cytogénétique (anomalie acquise des chromosomes des lymphocytes) qui pourront être utiles pour définir un pronostic.

Des examens radiologiques systématiques tels le scanner ne sont pas nécessaires au diagnostic mais ils peuvent être utiles en cas de symptômes particuliers.

Les stades de la leucémie lymphoïde chronique

En fonction de l’examen clinique du patient et de sa formule sanguine, 3 stades ont été définis et sont d’intérêt pronostic (classification de Binet).

  • Stade A : absence de ganglion ou présence de ganglions de moins de 3 aires ganglionnaires sans baisse de plaquettes ou d’hémoglobine.
  • Stade B : les ganglions sont augmentés de volume dans plus de 3 aires ganglionnaires ou présence d’une grosse rate sans anémie ni manque de plaquettes.
  • Stade C : baisse de plaquettes ou anémie.

L’espérance de vie est, en moyenne, supérieure à 10 ans pour les stades A, est de +/- 5 ans pour les stades B et 2 à 3 ans pour les stades C.

Au moment du diagnostic, près de 2 tiers des personnes atteintes de LLC sont au stade A et seule une minorité au stade C.

Formes particulières d’évolution de LLC

Les patients avec une LLC peuvent avoir une maladie auto-immune qui apparaît lorsque des anticorps sont produits contre leur propre tissu : les anomalies les plus fréquemment rencontrées sont une destruction des globules rouges (anémie hémolytique) ou des plaquettes (thrombopénie immune).

Après un temps d’évolution plus ou moins long, 10 à 15 % des patients présenteront une transformation en un lymphome agressif qui se manifeste alors par un syndrome tumoral. Cette évolution n’est pas prédictible au moment du diagnostic.

Par contre, il n’y a pas de transformation de leucémie lymphoïde chronique en leucémie lymphoïde aiguë. En raison de la perturbation de l’immunité, le patient atteint de leucémie lymphoïde chronique a un risque infectieux majoré.

Qui souffre de la leucémie lymphoïde chronique ?

<p> L’incidence est d’environ 3 nouveaux cas par 100000 par an pour un âge médian de début de 65 ans. Il s’agit essentiellement d’une maladie du sujet âgé, elle représente plus de 40 % des leucémies du sujet de plus de 65 ans. Seulement 20 à 30 % des patients auront moins de 55 ans au moment du diagnostic. </p>

Qu’est ce qui cause la leucémie lymphoïde chronique ?

Il n’y a pas de risque clairement défini en lien avec l’apparition de cette maladie, en particulier exposition environnementale reconnue. Il y a des différences génétiques concernant la susceptibilité à développer une LLC, c’est ainsi que l’on observe très peu de patients asiatiques souffrant de cette maladie.

On observe également des cas familiaux dans 5 % des cas. La LLC n’est pas une maladie infectieuse ou transmissible.

Comment traiter la leucémie lymphoïde chronique ?

Il est généralement admis qu’à l’exception des transplantations de cellules souches chez les sujets jeunes, il est pratiquement impossible de faire disparaître complètement les cellules anormales dans la LLC.

Les traitements dont nous disposons actuellement sont de plus en plus efficaces à savoir qu’ils induisent une rémission quasiment complète chez un plus grand nombre de patients et pour une durée de temps de plus en plus prolongée.

Les traitements efficaces dans la LLC sont :

  • Chimiothérapie
  • Agent alkylant, le médicament le plus utilisé est le Chlorambucil à savoir le Leukéran. Un autre médicament proche est le Cyclophosphamide soit l’Endoxan qui peut avoir la même efficacité.
  • Analogue des purines : l’ADN de nos cellules comprend des purines et des pyrimidines. Les analogues des purines sont des médicaments qui ressemblent aux purines mais, quand les cellules essaient de les utiliser pour fabriquer leur ADN, ces analogues bloquent le processus et empêchent la cellule de se diviser. Ces analogues des purines sont particulièrement efficaces dans la LLC. Le plus utilisé est la Fludarabine. L’inconvénient de ces médicaments est qu’ils sont également toxiques pour tous les lymphocytes et rendent les sujets particulièrement sensibles aux infections.
  • Anticorps monoclonaux. L’anticorps monoclonal se lie spécifiquement à un composant appelé antigène présent sur la membrane du lymphocyte. Il ne s’agit donc pas d’une chimiothérapie. Seules les cellules portant l’antigène spécifique lient l’anticorps et cette cellule recouverte d’anticorps peut être détruite par le système immunitaire du patient. L’anticorps le plus utilisé actuellement dans la LLC est le Mabthera (Rituximab – anticorps anti-CD20). Il existe un autre anticorps utilisable ciblant un plus grand nombre de lymphocytes : l’Alemtuzumab (MabCampath – anticorps anti-CD52) mais son utilisation est très délicate en raison de l’état d’immunodépression majeur qu’il induit. Prochainement, nous aurons à notre disposition un autre anticorps anti-CD20 l’Ofatumumab.
  • Inhibiteur spécifique de voie de signalisation des lymphocytes :
    • L’Ibrutinib soit un anti-bruton-kinase ou anti-BTK, médicament qui empêche une voie de signalisation (transmission de données) au sein du lymphocyte. Il s’avère très efficace, un taux de 60 à 90 % chez les patients échappant à la chimiothérapie classique telle la Fludarabine. Il s’agit d’un médicament utilisé par voie orale qui est en général bien toléré, peut provoquer de la diarrhée mais aussi des saignements surtout chez les patients traités par du Sintrom, ce qui en est une contre-indication. Ils sont également immuno-dépresseurs.
    • Cortisone : n’a pas de réel bénéfice chez tous les patients atteints de leucémie lymphoïde chronique mais peuvent être utiles en association à d’autres chimiothérapies en cure courte ou en cas de complications spécifiques tels les maladies auto-immunes.

Traitement

Un tiers des patients sont à un stade peu évolué et n’évolueront pas ou très peu, ces malades n’auront jamais besoin de traitement. Dans un tiers des cas, la maladie se situe à un stade peu évolué ne nécessitant pas de traitement dans l’immédiat mais évoluera dans les années à venir et devra alors être traitée.

Dans le dernier tiers, la LLC est évolutive au moment du diagnostic et requiert un traitement immédiat.

Un traitement sera nécessaire en cas de :

  • Baisse de fonctionnement de la moelle osseuse manifestée par une anémie (hémoglobine inférieure à 10) ou une baisse de plaquettes (inférieur à 100000)
  • Présence de gros ganglions
  • Présence d’une grosse rate
  • Augmentation rapide de la lymphocytose (au moins doublement du nombre de lymphocytes dans le sang en moins de 6 mois)
  • Apparition de symptômes cliniques pour lesquels aucune autre cause n’a été retrouvée telle une perte de poids de plus de 10 % en moins de 6 mois
  • Température sans cause infectieuse
  • Sueur nocturne persistante
  • Anémie auto-immune ou purpura thrombopénique auto-immun.

Un traitement n’est donc pas forcément nécessaire car un tiers des patients n’en n’auront jamais besoin et il ne faut pas les exposer à des effets secondaires indésirables des traitements à notre disposition.

Une augmentation du nombre de lymphocytes ne signifie pas forcément besoin de traitement immédiat, la décision de mettre en route ce traitement dépend d’un ensemble de critères.

Stratégie thérapeutique

Le type de traitement ou de combinaison de traitement sera choisi chez un patient en fonction de son état général et de son âge :

  • Pour le sujet jeune (inférieur à 65 ans), plus âgé mais en excellent état général, le traitement de référence est l’association Rituximab – Fludarabine – Endoxan (schéma RFC). Ce schéma s’administre en Belgique par voie intraveineuse, le premier jour les 3 drogues sont administrées et les 2 autres jours uniquement la Fludarabine et le Cyclophosphamide (dans d’autres pays, la Fludarabine est disponible par voie orale tout comme l’Endoxan). Prochainement, le Rituximab sera disponible par voie sous-cutanée. Classiquement, on administre 6 cycles de cette chimiothérapie 3 à 4 semaines d’intervalle selon la tolérance, on peut réduire le nombre de cycles de chimiothérapie en fonction de l’efficacité et de la tolérance, c’est souvent le cas chez les personnes plus âgées.
  • Pour les patients âgés, c’est-à-dire plus de 65 ans ou en mauvais état général, le traitement proposé sera à base de Leukéran et très prochainement association de ce Leukéran avec un anticorps monoclonal tel le Rituximab ou l’Ofatumumab.

Traitements ultérieurs

Les patients ayant eu une réponse prolongée pourront reprendre le même traitement lors de la 2ème poussée évolutive de leur maladie.

Une allogreffe peut être proposée chez des patients jeunes en cas de très bonne réponse à la chimiothérapie et de critère pronostique inquiétant.

L’Ibrutinib sera le médicament d’avenir pour les patients devenus résistants à la Fludarabine.

Prise en charge des complications :

Les infections sont des complications fréquentes dans les LLC, elles peuvent résulter des conséquences de la maladie elle-même : production faible d’anticorps. Ces complications peuvent être agravées par les traitements utilisés.

La majorité des infections sont d’origine bactériennes et touchent surtout l’appareil respiratoire ou des infections virales telles l’herpès ou le zona.

Des infections dues à des champignons ou à des germes opportunistes (qui sont habituellement non pathogènes chez l’individu normal) sont également fréquentes.

Prévention de ces infections :

  • Antiviral tel le Zovirax en cas de traitement
  • Bactrim (1 comprimé 3X par semaine) à titre de prévention d’une forme de pneumonie appelée pneumocystis carinii
  • Perfusion d’immunoglobulines polyvalentes en cas d’hypogammaglobulinémie sévère avec infection microbienne récurrente : traitement mensuel par perfusion ou traitement à domicile par administration sous-cutanée
  • Vaccination : la vaccination est souvent moins efficace chez les patients avec LLC mais elle est hautement recommandée telle la vaccination anti-grippe
  • Traitement de l’anémie ou de la thrombopénie auto-immune
  • Le traitement de ces cytopénies nécessite des corticoïdes à forte dose et l’utilisation des anticorps tels le Mabthera. Le syndrome de Richter (survenue d’un lymphome de haut grade). Le diagnostic reposera sur un prélèvement d’une masse inquiétante et son traitement sera celui des lymphomes à savoir les tumeurs des ganglions reposant sur une poly-chimiothérapie associée au Rituximab

En bref

La leucémie lymphoïde chronique est une forme de cancer des lymphocytes. Elle se caractérise par un taux de lymphocytes trop élevé dans le sang mais aussi par un gonflement des ganglions et de la rate. C’est une maladie que l’on rencontre plus souvent chez le sujet âgé. La majorité des patients n’ont pas de symptôme et la progression de la maladie est en général très lente, la survie des patients est particulièrement longue (supérieure à 10 ans).

La classification en stade clinique et biologique permet de définir une stratégie thérapeutique, les stades peu évolués ne seront pas traités.

Les traitements combinent chimiothérapie et anticorps monoclonaux, ils sont de plus en plus efficaces pour une durée de plus en plus longue mais ne permettent pas d’éradiquer définitivement la maladie.

Cette maladie entraîne un état de manque de défense immunitaire et un risque d’infection qui est aggravé par les traitements utilisés.